Par Didier KLING, Président CNCEF IMMOBILIER et Christelle MOLIN-MABILLE, Présidente CNCEF CREDIT
Malgré un contexte fragilisé par les tensions économiques et diplomatiques mondiales, l’immobilier en France devrait afficher des performances convenables pour 2022, avec près de 1.120.000 ventes (Source FNAIM). Des résultats aussi corrects que l’année passée, même si les embûches perdurent. En effet, le secteur à peine sorti des complications liées à la crise sanitaire, va devoir aborder 2023 sur la base de prévisions prudentes.
Tout d’abord, le Projet de Loi de Finances de l’Etat, à l’exception d’une augmentation des primes en faveur de la rénovation, ne donne pas de coup de pouce aux dispositifs fiscaux pour le neuf. Ce dernier est confronté à la flambée des coûts des matériaux, de l’énergie et de la main-d’œuvre. Ensuite, l’inflation, bien que contenue dans notre pays, est à son plus haut niveau depuis 1991 ; ce qui influence négativement le moral des ménages. Les plus de 500 milliards d’épargne dormante sont assez éloquents à ce sujet. Par ailleurs, la hausse du prix de l’ancien associée à un volume moins important de biens à vendre complique la donne. On peut aussi voir dans cet aspect conjoncturel, une tentative de rééquilibrage du marché après des mois d’abondance de biens à vendre, à des prix attractifs.
La question du financement
Du côté des établissements financiers, nous avons constaté un recul de la production de crédits depuis l’été dernier, sans embellie depuis. Les taux des emprunts d’état augmentent encore en cette fin 2022, ce qui devrait conduire à une situation similaire pour ceux des crédits immobiliers. Ils ont déjà grimpé de 1,79% cet automne selon la Banque de France. Cela a eu pour effet de rendre les règles du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) plus contraignantes, tout en ralentissant considérablement l’activité du marché. Mécaniquement, des dossiers de crédit sont donc refusés car la revalorisation des taux restreint la capacité d’endettement des emprunteurs et les banques ne peuvent déroger à une durée de remboursement au-delà de 25 ans. C’est entre autres, pour ces motifs, que les courtiers en crédit immobilier ont signalé à plusieurs reprises, une hausse du taux de refus de prêts.
Dans ce climat, qu’en est-il de la volonté des Français de s’investir dans un projet immobilier en 2023 ? L’institut BVA (observatoire de novembre 2022) vient de publier un baromètre indiquant que 16% de nos concitoyens ont la volonté d’investir dans la pierre. Cependant, la part des primo-accédants est à son niveau le plus bas ; les conditions bancaires le justifiant. De même, 21% des individus n’ayant pas de projet immobilier aujourd’hui le justifient par l’absence d’apport personnel. De leur côté, les investisseurs désirant acquérir un bien pour le louer sont plus nombreux. ¼ des sondés en ont la volonté, sans doute dans un moment où cet actif est vu comme une valeur refuge. Ou encore parce que la réforme des retraites s’approche ; l’immobilier pouvant être une source de revenus complémentaires pour plus tard. Enfin, l’acquisition de résidences secondaires reste stable tout comme la part de Français souhaitant vendre pour changer de logement.
Le frein des taxes
Pour l’immobilier d’investissement, 9% des personnes interrogées vont reporter leur projet en raison du prix excessif des matériaux pour effectuer les travaux d’isolation des biens qu’ils louent. Les bailleurs s’inquiètent par ailleurs des annonces faites par les collectivités locales d’augmenter les taxes. Si 8 Français sur 10 ne payent plus la taxe d’habitation, les maires veulent compenser le recul des dotations de l’Etat par une revalorisation importante des autres taxes. Ainsi, la Ville de Paris a annoncé pour l’an prochain, une augmentation de 52% de sa taxe foncière. Les territoires ne sont pas en reste puisque selon l’Union nationale des propriétaires immobiliers, 5000 communes ont prévu de revaloriser celle-ci, en ciblant les résidences secondaires. L’accumulation de charges et la recette fiscale qui pèsent sur les propriétaires auront forcément une incidence sur les valeurs locatives puisque celles-ci sont déjà touchées par l’inflation. Enfin, le durcissement des réglementations énergétiques inquiète les investisseurs. Il sera en effet interdit en 2025, de mettre en location les logements les plus mal évalués.
En conclusion, 2023 va être complexe pour les Français, qu’ils investissent dans le neuf ou l’ancien, d’autant plus si les communes réhaussent leur fiscalité. Mais aussi si la situation inflationniste perdure. Nous l’avons souvent répété, la confiance ne reviendra que si les conditions sont créées au plan fiscal pour réorienter l’épargne vers l’économie, en particulier vers l’immobilier qui est un secteur de poids dans notre PIB. A défaut, il pourrait à son tour être victime de la stagflation dont risque également de souffrir notre modèle économique.
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Pour aller plus loin :
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