Par Christelle MOLIN-MABILLE, Présidente de la CNCEF CREDIT
Le marché de l’immobilier est-il en train de se gripper ? Nous n’y sommes pas encore mais les alarmes commencent les unes après les autres à se déclencher. Cap à la hausse pour le prix des biens et des matières premières, mais aussi pour les taux d’emprunt ! Dans le même temps, la réglementation se durcit de toutes parts et les banques analysent les situations financières de plus en plus précisément et restrictivement, ce qui diminue encore la capacité d’emprunt des ménages.
Dans une conjoncture qui réduit à peau de chagrin les possibilités pour un nombre grandissant de Français, la réglementation du courtage doit suivre. Explications.
Le marché de l’immobilier se contracte dangereusement
La période n’est pas propice, loin s’en faut, et si l’on compile l’ensemble des facteurs d’inquiétude, la crise immobilière couve.
Dans cette conjonction d’obstacles, les plus visibles sont les prix, qui, dans le sillage d’une inflation forte, poursuivent leur hausse à un rythme très élevé : +8,2% sur un an en France au 1er avril 2022[1]. Dans les grandes villes à portée de TGV, ils se rapprochent même dangereusement de ceux de Paris.
Côté construction, la guerre en Ukraine bouscule des marchés déjà mis sous tension avec la crise sanitaire. Les professionnels déplorent des prix d’achat de matières premières qui s’envolent : +142 % sur quinze mois pour l’acier ; des hausses très élevées du bitume, du carrelage et de la terre cuite, très dépendants du gaz.
Les particuliers qui veulent faire construire leur maison ne sont pas mieux lotis et doivent, eux, faire face à un nombre grandissant de mairies qui restreignent les permis de construire.
Cerise sur le gâteau, la réglementation qui entoure les transactions s’est encore complexifiée et durcie. La nouvelle version du diagnostic de performance énergétique (DPE) est déjà source de nombreuses erreurs mais il s’enrichit d’une nouvelle contrainte ! L’audit énergétique pour les logements (maisons individuelles ou immeubles hors copropriété) classés E devient obligatoire à partir du 1er janvier 2025, puis s’appliquera aux logements classés D à partir du 1er janvier 2034.
Sans surprise, les transactions baissent, de 10 à 15% selon les observateurs sur le premier trimestre 2022. Et pour couronner le tout, les salaires et le pouvoir d’achat stagnent mais les taux de crédit remontent, et les banques se montrent plus exigeantes dans l’analyse des situations. Le constat est sans appel : ça bloque !
Le courtier en prêt immobilier change de casquette
Est-il encore possible d’emprunter ? L’horizon s’obscurcit pour une majorité de Français.
Car le montant requis d’apport personnel explose : 52.594 euros en moyenne en 2022, contre 29.405 euros l’an dernier, soit +78% sur un an ![2] Et le trajet domicile-travail est également étudié de près pour intégrer le coût de l’essence dans l’analyse. Il en va de même pour la vétusté et l’isolation du bien et les travaux qui peuvent en découler.
Enfin, les banquiers sont attentifs à l’épargne après projet, pour s’assurer que les emprunteurs puissent éviter la souscription d’un crédit à la consommation en cas de dépenses imprévues, et limitent ainsi le risque de surendettement ou de non-remboursement du crédit.
Les emprunteurs ne peuvent plus s’en sortir seuls et font de plus en plus appel à un courtier, 40% en 2021[3]. Un courtier qui conforte son rôle de conseil. Il s’agit concrètement de travailler sur le profil bancaire de l’emprunteur, de construire un budget à long terme, de planifier une stratégie patrimoniale, de vérifier la faisabilité du projet. Un rôle de conseil qui n’est pour l’instant pas rémunéré.
Car là où le bât blesse, c’est que le courtier n’est pas autorisé à percevoir des honoraires si le crédit n’est pas débloqué. Or, les travaux de préparation sont indispensables et peuvent se comparer à ceux d’un avocat, qui perçoit à chaque étape du dossier des provisions qui rémunèrent son travail indépendamment du résultat final du litige. Un calcul d’enveloppe, par exemple, est une prestation à part entière qui pourrait être déduite des honoraires de courtage si le prêt est obtenu. Le système aurait l’avantage de la souplesse pour l’emprunteur, qui pourrait faire appel à lui pour des prestations en fonction de ses besoins précis.
Dans un écosystème du crédit enrayé, la question du logement reste cruciale.
Pour se loger, le courtier devient un partenaire incontournable pour une majorité de Français. La profession en appelle au législateur. En attendant que le marché reprenne ses couleurs, il est donc plus que jamais nécessaire qu’elle soit accompagnée par la réglementation pour faire rémunérer sa réelle plus-value, le conseil.
————————
[1] Baromètre FNAIM avril 2022
[2] Chiffres Finance Conseil
[3] Le marché du courtage en prêt immobilier – Businesscoot novembre 2021
————————
Pour aller plus loin :
Pour en apprendre davantage, découvrez notre tribune « L’accès au crédit immobilier reste-il possible pour tous ? » juste ici.
Retrouvez notre fiche décryptage sur le thème « Comprendre le courtage en crédit » en cliquant ici.
Pour plus d’informations, suivez-nous sur nos pages Facebook et Linkedin