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Accueil Actualités Tribune : « Taux d’endettement maximal : quid du reste à vivre ? »

Par Christelle MOLIN-MABILLE, Présidente de la CNCEF Crédit

Ne pas tenir compte de la notion de reste à vivre est une erreur, une incohérence par rapport au marché du crédit.

Il est devenu impossible dans beaucoup de régions aujourd’hui d’outrepasser la règle des 33% d’endettement maximal pour se voir accorder un prêt immobilier. Nous nous étonnons que le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) ait confirmé jeudi 17 septembre qu’il ne comptait pas assouplir sa recommandation de décembre 2019 (1), impactant ainsi à la fois les projets immobiliers des Français et les marchés de l’immobilier et de la construction. Or, cette règle trouve ses limites quand elle ne tient pas compte du « reste à vivre » de l’emprunteur, qui peut varier du simple au quintuple !

Ne pas tenir compte de la notion de reste à vivre est une erreur, une incohérence par rapport au marché du crédit, alors qu’elle était jusqu’à présent un des déterminants principaux d’un accord pour les banques. C’est méconnaître que les enjeux sont différents, selon que l’on perçoit 1500 euros mensuels ou 7000 euros; que l’on vit en région parisienne ou en province (2). C’est aussi ne pas tenir compte de la spécificité de chaque situation, de la capacité d’épargne, du profil bancaire du client et de sa capacité à travailler avec lui sur le long terme. Aujourd’hui, 40% d’endettement MAIS 3000 euros de reste à vivre – une fois déduits charges fixes, impôts et épargne – ne devraient en aucun cas constituer une impossibilité d’accès à la propriété.

Quel est l’objectif de ces recommandations, quel est l’intérêt des banques ?

Dans tous les cas, elles ne seront pas sans conséquences très importantes sur l’économie actuelle et la crise à venir. A commencer par le marché de l’immobilier, dont les acteurs plaident également pour un assouplissement de la règle. Moins d’acceptations de crédit ne produiront-elles pas plus d’offres que de demandes et une baisse des prix consécutive ? Le secteur de la construction, qui peine déjà à trouver des crédits pour les investisseurs, ne sera-t-il pas, lui aussi, touché ?

Les conséquences seront également lourdes pour les conditions de vie et le moral des Français, qui voient l’objectif d’accession à la propriété s’éloigner avec ces nouvelles barrières. La position du HCSF amplifie le stress lié au logement, premier poste de dépense et d’inquiétude pour les ménages.
L’emprunt sans apport ayant déjà été rayé des possibilités, ceux qui ne pourront pas acheter resteront donc locataires ou, en région parisienne, seront contraints de s’exiler plus loin pour trouver les biens auxquels ils pourront prétendre. Avec un impact sur la qualité de vie, les temps de transport et l’emploi.
Mais si le confinement a bel et bien créé un désir de propriété individuelle loin des grandes agglomérations, les prix se sont envolés : en hausse de près de 9% en petite couronne parisienne (3); et de 6% pour les appartements et 7,6% pour les maisons en grande couronne. Les possibilités se restreignent.

Ces recommandations étaient-elles nécessaires ? Cette politique de gestion des risques ne pourrait-elle pas s’avérer plus risquée que son objectif initial ? Il n’a été fait aucune recommandation sur le crédit à la consommation alors qu’en comparaison, le surendettement lié au crédit immobilier est minime.

Alors pourquoi pas, mais pourquoi ?

Les 800 structures de courtage membres de la CNCEF Crédit ont besoin de réponses pour mieux accompagner leurs clients. Dotés d’une réelle vision pédagogique et budgétaire, les courtiers doivent pouvoir expliquer les raisons pour lesquelles un dossier sera refusé et guider leurs clients vers des projets viables, dans le respect de la réglementation.

Le besoin est criant, dans le contexte que nous vivons, de clarifier le champ des possibles, de  coopérer avec les établissement financiers pour un fonctionnement apaisé du crédit. L’heure est à la recherche de lisibilité et de stabilité pour redresser notre économie.

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1 Recommandation N° R-HCSF-2019-1
2 9% d’écart selon L’INSEE en 2015
3 Volumes et prix à fin juin 2020 – Chambre des Notaires de Paris


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