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8 mars 2024

Tribune : Quand le métier de CGP est cerné par la réglementation financière

Tribune - Quand le métier de CGP est cerné par la réglementation financière - CNCEF PATRIMOINE - Mars 2024 - Visuel site internet

Par Stéphane Fantuz, Président de CNCEF PATRIMOINE, et Emilie Mazzei, Avocate au Barreau de Paris

photoSTFEM - 1 - Tribune réglementation CGP CNCEF PATRIMOINE

Le métier de conseiller en gestion de patrimoine est à la fois particulier et exigeant. Particulier, en ce qu’il s’agit de connaître et d’appréhender le patrimoine d’un client, de le guider et de le conseiller sur ses problématiques patrimoniales et les produits qui lui sont adaptés, pour à terme lui permettre de réaliser ses objectifs de vie. Exigeant car la réglementation financière est, depuis quelques années, une des préoccupations majeures et incontournables des conseillers en gestion de patrimoine. Spécificité du métier : la démultiplication des statuts réglementés selon les activités que l’on exerce et selon les produits que l’on conseille. Du CIF à l’IAS, en passant par le statut d’IOBSP et de conseil en immobilier porteur de la Carte T, tout service fourni a son corpus de règles. Et rien ne va plus quand ces règles s’empilent petit à petit, sans harmonisation globale. L’effet contre-productif est patent.

Côté activités tout d’abord, depuis 2018, le CGP a dû intégrer dans son cabinet bon nombre de normes, de règles contraignantes, de nouvelles logiques, qu’il a mis – d’ailleurs – quelques années à comprendre, voire à assimiler. L’on pensera avec évidence à la transposition de la Directive 2014/65/CE concernant les marchés d’instruments financiers (MIF2) applicable à son activité de CIF, à celle de la Directive 2016/97/CE relative à la distribution (DDA) dès lors qu’il exerce son activité d’IAS, et enfin, à la Directive 2014/17/EU relative aux crédits immobiliers (MCD) lorsqu’il propose du financement.

Des normes chronophages au détriment du client

Sous une logique identique, celle de la distribution de produits, chaque corpus réglementaire a ses particularités : par exemple, la présentation des coûts et frais ne sera pas là même dans un rapport de conseil en assurance et dans une déclaration d’adéquation CIF. Le conseil indépendant ou non indépendant (CIF), n’est pas synonyme de conseil de niveau 1 ou 2, avec recommandation personnalisée en assurance. Ces subtilités, nombreuses et diverses, se sont progressivement  intégrées dans le quotidien des CGP, qui se sont vu ajouter depuis 2022/2023, la durabilité et son corpus de règles plus ou moins intelligibles (SFRD, taxonomie et autres textes d’applications…), faisant de lui, un spécialiste des questions environnementales, en plus de son métier de conseiller financier. Son conseil est maintenant une déclinaison de réglementations, dont il doit s’efforcer de capter les nuances et les subtilités. Non seulement toutes ces normes sont chronophages mais de plus leur mise en œuvre se fait au détriment du temps disponible pour le client, avec de surcroît – comme dans toutes les activités d’industrie ou de services – une refacturation de ces coûts de structure se répercutant du cabinet au client, que cela soit sous forme d’honoraires ou de commissions.

Face à cet empilement de normes, le CGP s’est souvent tourné vers la digitalisation, justement pour gagner en efficacité et en temps, dans l’intérêt du conseil donné à son client. Recours à une certaine automatisation, standardisation des process, mise en place de CRM, lui ont permis de mieux se dégager – un peu – de temps. Car le CGP en manque. Cette digitalisation est encore le lieu d’une certaine forme de liberté contractuelle. Et cela va, là encore une fois, devenir un sujet de textes réglementaires.

Des paradoxes inventés par Bruxelles

Finie la liberté contractuelle, place à la norme ! Et au CGP de se perdre dans les méandres  du Règlement 2022/2554 sur la résilience opérationnelle numérique du secteur financier (Règlement DORA) à la proposition de Règlement relatif à un cadre pour l’accès aux données financières ( projet de Règlement FIDA).CGP va devoir composer avec des procédures internes de cybersécurité et de résilience informatique dont les contours et les exigences apparaissent pour le moment disproportionnées à son activité, tout en gérant la circulation des données financières de ses clients…. Carcan qui sera à n’en pas douter plus complexe à mettre en œuvre que le RGPD actuellement appliqué.

Et notre CGP n’en a pas encore fini : au bout de quelques années d’acclimatation aux directives sectorielles auxquelles il est soumis, se profile à l’horizon le projet de Directive RIS (Retail Investment Strategy) et son lot d’incertitudes sur son mode de fonctionnement et de rémunération, à devoir assimiler – de nouveau – un texte touchant tous les aspects de son métier, tous les statuts qu’il a adaptés, tous les produits qu’il conseille. A devoir même changer de paradigme : fini le conseil dans la durée, bienvenue dans l’univers du conseil sur le produit le moins cher. Un vrai paradoxe inventé par Bruxelles !

Et c’est ainsi que le CGP est cerné, effectivement, par la réglementation financière, existante et à venir.


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